Témoignage
8 avril 2025

Améliorer la communication et le partage d’expérience entre médecins et pharmaciens par la création de « points de rencontre locale ». Témoignage sur une expérience réussie.

Le Dr Peter Dieleman et le pharmacien Silas Rydant nous expliquent l’importance de la CMP (concertation médico-pharmaceutique). 

De quoi s’agit-il ?

La concertation médico-pharmaceutique est un lieu d'échanges entre médecins et pharmaciens visant à résoudre des situations de soins. Des médecins généralistes et des pharmaciens, éventuellement assistés de spécialistes, s’y réunissent en vue de discuter du traitement médicamenteux d'un patient et d'améliorer les soins qui lui sont prodigués.

Le point de vue du docteur Pieter Dieleman

Médecin généraliste et assistant auprès du département de médecine générale de l'Université d'Anvers, Peter Dieleman est également affilié à Domus Medica, centre d'expertise dédié à la qualité et la formation.

Pieter Dieleman

Comme le Dr Dieleman l’explique, les CMP relèvent pour l'instant d'une démarche volontaire. Le taux de participation varie selon les régions, mais il est en constante augmentation et il s’en réjouit. Car ces concertations stimulent la communication entre médecins et pharmaciens, facilitent le dialogue sur l'état des patients et permettent d'aborder des préoccupations régionales, comme l'abus de somnifères et d'analgésiques opioïdes. 

Le premier aspect, et il est essentiel, est d'apprendre à faire preuve de bienveillance les uns envers les autres, dans une optique de soin. Un deuxième aspect relève davantage du « fond » : il s'agit de partager des connaissances sur les médicaments et les recommandations actuelles pour certains d'entre eux, mais aussi de renforcer la sécurité tout au long de la chaîne de soins : prescription, délivrance du médicament par le pharmacien, prise par le patient, suivi de l'utilisation et éventuels effets secondaires. Médecin et pharmacien ont tous deux un rôle important à jouer dans cette chaîne de soins et doivent donc se soutenir mutuellement. Des programmes de promotion de la qualité mis au point par les fédérations professionnelles peuvent également être présentés et discutés dans ces concertations régionales qui se déroulent en présentiel. 

L’organisation pratique

Concrètement, un médecin et un pharmacien demandent à l'INAMI d'organiser une CMP sur un sujet particulier. L'INAMI octroie une contribution financière pour le soutien logistique. Les deux initiateurs invitent ensuite des médecins généralistes et des pharmaciens à participer à la CMP, qui peut se dérouler dans une maison de retraite et de soins, dans le cadre d'une réunion Glem (Groupe local d'évaluation médicale) ou tout autre endroit. Une fois composées, les CMP ont lieu à intervalles réguliers, par exemple deux ou trois fois par an. Si des points de blocage sont identifiés ou des suggestions d'amélioration formulées, les participants à la CMP doivent y travailler et vérifier lors de la réunion suivante si des progrès ont été réalisés.

La CMP selon Silas Rydant, pharmacien

Silas Rydant est pharmacien et Team Lead chez Meduplace, une division de KAVA (union professionnelle des pharmaciens d'Anvers) spécialisée dans la création de contenus pratiques sur les médicaments, à destination des pharmaciens et autres professionnels des soins de santé.

Silas Rydant

« La CMP vise à améliorer la coopération entre médecins et pharmaciens sur les questions de médication car c’est devenu un domaine complexe, tant pour les généralistes que pour les pharmaciens. » En effet, des difficultés pratiques peuvent surgir : absence d'ordonnance ou de certificat, préparations magistrales, etc. De même que de nombreux problèmes cliniques : médication inadaptée, posologie excessive ou insuffisante, durée de traitement trop longue, modification rapide des protocoles, changement d'indication des médicaments, etc. Des questions pratiques, donc, où le patient est parfois laissé pour compte. On a tendance à l'oublier et personne ne semble en assumer la responsabilité finale. Les CMP peuvent également servir à fournir des informations sur les nouveaux services proposés en pharmacie, comme la vaccination, le sevrage des somnifères, etc. Services qui peuvent alors être coordonnés en concertation.

Généraliste et pharmacien reçoivent les mêmes informations

La CMP a pour principaux avantages que le généraliste et le pharmacien reçoivent les mêmes informations, que les recommandations sont « actualisées » et que les parties s'entendent sur la continuité des soins. Cela peut se faire au niveau global, mais aussi au niveau individuel, à condition de se connaître et de se faire confiance. Supposons qu'un pharmacien se demande si la posologie prescrite par un médecin est conforme aux dernières recommandations. Ou qu'il remarque que la posologie d'un médicament a été ajustée en raison d'une insuffisance rénale, alors que celle d'un autre médicament n'a pas été réduite. Dans ce cas, il lui incomberait de contacter le médecin individuellement, mais il faut savoir que tous les médecins ne sont pas ouverts aux commentaires et que cela peut parfois s'avérer difficile. Les points « délicats » sont donc plus faciles à aborder dans le cadre d'une consultation « formelle » telle que la CMP. Par exemple en ces termes : « Nous observons dans notre région des prescriptions qui ne correspondent plus à la pratique actuelle. Dans l'intérêt du patient, peut-être pourrions-nous y être attentifs dans les semaines et mois à venir. » Les CMP permettent d'aborder le sujet sans réprimander qui que ce soit. Un modérateur « objectif » peut soulever des questions et émettre des suggestions que les médecins et les pharmaciens peuvent ensuite examiner entre eux au bénéfice du patient. On peut convenir en groupe de remplacer certains médicaments et mettre l’accent sur les nouveaux rôles attribués par l'INAMI aux pharmaciens, comme le service gratuit d'aide aux patients visant à réduire leur dose de somnifères de manière structurée. La répartition des tâches en matière de vaccination demeure également un sujet épineux, mais puisque cette décision a été prise par le gouvernement, il serait sans doute judicieux d'arriver mutuellement à un consensus concret. Bien des frustrations pourraient ainsi être évitées.

Médecins et pharmaciens s’accordent sur l’importance d’un soutien mutuel dans le cadre du trajet de soins du patient. Le bienfondé des CMP et leur utilité pour le patient ne sont plus à démontrer et leur succès croissant est une excellente nouvelle.